mardi 13 février 2018

Sur mes pas en danse: Aux "Technologies contemplatives", le spectateur captivé

Une sortie danse chez Tangente recèle presque toujours son lot de découvertes et de surprises hors des sentiers battus, "une sortie danse qui prend souvent une drôle de tangente, quoi !". Voilà donc pourquoi mes pas m'y amènent. Régulièrement, durant la présentation, face à l'oeuvre, ma réception se fait hésitante et déstabilisante, tout cela pour mon plus grand plaisir. Mais pas cette fois, je me disais avant de m'y rendre. Puisque pour les deux œuvres des "Technologies Contemplatives", je me pensais en territoires "connus". Je les avais déjà vu (pour une, c'est une certitude, pour l'autre une quasi certitude) dans une première mouture. Je me considérais donc à l'abri d'une perte de repères et avec l'espoir d'une appréciation plus juste de l'expérience de spectateur qui revisite une oeuvre.

                                         Photo de Sarah-Marie Iung, Kaléidoscope

Avant d'aller plus loin, je voudrais m'attarder au titre de la soirée "Technologies contemplatives" dont les deux termes à priori, sonnent, selon moi, discordants. Peut-on concilier les technologies d'aujourd'hui et leurs connotations fort actives et perturbantes avec une attitude contemplative ? C'est avec cette petite réflexion que je m'y suis rendu, prêt, cependant, à réviser ma position initiale. Et au final, et je reviendrai sur le détail du pourquoi, je serais tenté de "débaptiser" le titre de la soirée pour la renommer "Technologies Captivantes", parce que c'est un effet "actif" que les oeuvres ont eu sur moi. Avec un bonus au spectateur observateur que je suis pour cette présentation, soit la présence d'un grand nombre de jeunes enfants, une "tonne" de très jeunes enfants. J'étais très curieux de découvrir, "en prime" leur réception face à ces "Technologies contemplatives"!

L'heure de présentation arrivée, nous sommes invités à retirer nos chaussures avant de prendre place dans la salle avec son plancher tout blanc. De plus, on nous indique que nous pourrons nous déplacer dans la salle pendant la représentation et aussi de nous échanger les lunettes "Kaléidoscope" de différents modèles qui nous seront fournies. À notre entrée, nous découvrons d'abord des coussins de tout format répartis en demie lune et ensuite, devant nous les deux interprètes (Ariane Dessaules et Melina Stinson) déjà fort présentes de leur immobilité. Fidèle à mon habitude, je prends place tout en avant au milieu. Pendant que les gens prennent place, je prends conscience que les deux interprètes sont disposées en légère asymétrie par rapport à nous et à la salle.  Intrigant ! Autour de moi, les jeunes enfants finissent de prendre place, tout comme Michel F. Côté (atmosphère sonore), côté gauche et Kim-Sanh Châu (chorégraphe), juste derrière moi, à la console. Les portes se ferment et mon attention se porte exclusivement sur ces deux femmes qui portent leurs lunettes spéciales. Tout à coup, une des deux bouge imperceptiblement et de plus, tout lentement. Les voilà qu'elles laissent leur regard dériver dans l'assistance. Il s'en suit des mouvements fort de leur grâce et qui semblent être exempts de la contrainte de la gravité, amplifiés par l'atmosphère musicale "planante". Et nous arrivent, distribuées par les interprètes, les lunettes. Et là, avec les projections en fond de scène, les mouvements prennent une dimension différente. Non pas une, mais des dimensions multipliées et en déplaçant notre regard, elles se retrouvent allongées par le haut ou décalées. L'exercice, au départ exigeant, devient fort agréable pour peu qu'on s'y laisse aller à découvrir les différentes aspects possibles à découvrir. Seul regret, j'en aurais pris plus. Autour de moi, je n'entends rien, les enfants semblent bien sages et captivés. Je reprends ici, ce que j'avais déjà écrit sur la première mouture de cette oeuvre,  "Kaleidoscope" qui vient de la combinaison des noms grecs, kalos signifie « beau », eidos « image », et skopein « regarder », nous en avons eu un bel exemple. La vérité sortant de la bouche (ou de l'écoute) des enfants, comment le contester. Je terminerai ce compte-rendu de sensations, avec un souhait. J'aimerais voir sur grand écran, ce que mes yeux ont vu grâce à ces lunettes. Je lance donc une bouteille à la mer !

Une fois terminé, nous devons laisser les lunettes sur place et sortir. Le temps de préparer la place pour "Èbe". Retour en salle et à un siège première rangée, pour découvrir sur scène les cinq accordéons encore fort discrets en arrière scène tout de noirceur enveloppée. Arrive lui (Patrick Saint-Denis) et, au bout d'un fil, une lampe qui se met à tournoyer et à déclencher des sons, tel un dompteur de sons ! S'en suit la respiration des accordéons avec lesquels nous accordons, en phase, notre attention. Les accordéons sont déplacés par lui et elle, Sarah Bronsard, dans une suite de déplacements dont le sens humain n'arrive pas à prendre ses repères. Lui, ensuite, se met en retrait et elle prend possession de la scène s'accoquinant les instruments, partenaires du moment, dans ses propos chorégraphiques colorés de gigue et de flamenco. À défaut d'avoir été contemplatif, j'ai été captif et captivé par cette relation mystérieuse entre elle et ces machines musicales, rien pour diminuer mon plaisir. En sortant, une question me turlupine encore et encore (et aujourd'hui aussi !), quand est-ce que j'ai déjà vu ces accordéons et leurs complices ? Parce qu'il est impossible de ne pas garder des traces sensorielles de ce type de rencontre. 

Donc, une rencontre intéressante avec des technologies, plus captivantes que contemplatives, compte-tenu de notre participation à la découverte de l'oeuvre pour la première ou dans son interprétation pour l'autre. 

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